Footballeuse de la première heure, j’ai su toute petite que je devrai mener un combat pour réaliser mes rêves ! Très vite j’ai aussi su que ce combat serait ma force et forgerait ma détermination et ma volonté sans faille d’être traitée à égale avec l’autre moitié de la population mondiale.
Le sport est un puissant moteur d’insertion sociale. Jongler, dribbler, tirer dans un ballon de football aussi bien voir mieux que les garçons, je courrais vite et bien souvent plus vite que nombre d’entre eux … les gens sont surpris… normal on leur répète que les garçons sont plus forts que les filles sauf que pas toujours. Cette identité sportive m’a permis bien des fois d’être acceptée et respectée dans des groupes particulièrement masculins. Je connaissais les règles du hors-jeu et leurs subtilités de façon plus pointues que bon nombre d’entre eux. La légitimité ne tient pas au sexe mais à la compétence, la connaissance, le savoir et le savoir-être.
J’ai toujours défendu les droits des femmes. C’est viscéral, inné, indispensable, épidermique, nécessaire. Mon éducation a permis cela ! Ma personnalité a fait le reste ! Sois autonome financièrement, avant toute chose, m’a répété ma mère, pendant toute mon enfance. Ne dépends jamais de qui que ce soit, soit indépendante et libre.
Une vraie mission de vie que j’entretiens encore aujourd’hui et que je transmets à mes 3 filles. Non pas sans difficulté quand ces dernières se font harcelées dans la rue.
Et oui 3 filles comme si c’était écrit ! L’éducation des petites filles est importante mais c’est l’éducation de tous nos enfants, filles et garçons dès le plus jeune âge qui transformera petit à petit notre société et la relation que nous portons au genre féminin et masculin : les jeux, les jouets, les métiers, les couleurs, les passions, tout cela n’a pas de genre….et nous devons les en convaincre dès leur plus jeune âge.
Cadre dans une entreprise, j’ai pris des congés parentaux pour ma 1ère, ma 2è, et ma 3è fille (1 jour de moins au bureau mais pas moins de travail) ; mon conjoint ne l’a pas fait pour les deux 1ères car « cela ne se faisait pas », « en tout cas pas dans son entreprise » « ce n’était pas possible » « ce ne serait pas bien vu », là encore de belles croyances limitantes qui nous empêchent de faire, d’oser, d’expérimenter et donc de changer le monde.
Le déclic s’est fait pour Emy, notre 3è, en 2004 et il a pris tous ses lundis pour ses filles.
Un grand bonheur pour moi et pour le message qu’il envoyait surtout, à tous les hommes et toutes les femmes autour de lui , autour de nous : et ben si c’est possible ! Alors les gars si on y allait tous !
Les changements ne peuvent se décréter, ils s’inscrivent dans des processus et en matière de comportements de genre, c’est assurément plus longs que pour d’autres.
Le sport, le travail, la famille et la société ne laissent que peu de place aux femmes, mais nous ne la prenons pas toujours non plus. J’ai observé au cours de mon parcours qu’un des freins principaux de mes ambitions c’était moi ! Ancré au plus profond de mon inconscient, je me freine, je doute, je n’ose pas … identifier ses freins permet de les dépasser et de se lancer.
Avant, mon seul carburant pour progresser, être légitime était d’être plus performante, celle qui bosse beaucoup, qui obtient des résultats et qui travaille dur, dans l’ombre, celle qui concilie avec brio sa vie professionnelle et sa vie privée ; mes homologues masculins recevaient alors plus de félicitations et étaient payés plus cher. Je ne disais rien, certaine que la reconnaissance viendrait le jour où j’aurai donné le meilleur de moi-même. Je n’ai rien réclamé, j’ai attendu que les choses arrivent …
Les premières réunions de responsables de service, j’étais la seule femme. J’ai évolué au sein de l’entreprise pour accéder au comité de direction tranquillement. Je pense avoir mis plus de temps que d’autres car au lieu de réclamer, j’ai voulu démontrer et convaincre.
La place de la femme quand elle est en minorité dans un groupe professionnel est très subtile ;
La présence des femmes est à la fois un alibi et on la présente comme tel (« il nous fallait des femmes alors on t’a proposé de nous rejoindre ça fait mieux dans le paysage surtout à l’aube de la parité ah oui super ! », j’adorai ces petites phrases
La présence des femmes est un atout, c’est vendeur ! (vous voyez nous on a des femmes dans nos instances dirigeantes ! )
Pas facile de développer une estime de soi adaptée et authentique. Ce sentiment de n’être là que parce que l’on est une femme est juste insupportable. J’ai donc été bien souvent LA FEMINISTE de ces groupes professionnels et j’y ai fait ma place sans autre argument que mes compétences professionnelles, dénonçant à chaque fois que cela se présentait le sexisme ordinaire de mes collègues (bizutage et blagues salaces).
J’ai passé 25 ans comme salariée dans une entreprise de l’économie sociale et solidaire ; j’y suis restée tant que ma liberté d’action était possible et tant que mes valeurs étaient nourries. Et puis un jour ce ne fut plus le cas, alors je suis partie et j’ai créé MA micro entreprise, signe d’indépendance et de liberté. Je vais avoir 50 ans et j’ai encore tant de choses à réaliser ; je ne me pose plus autant de questions sur le « JE DOIS / IL FAUT », vous savez les injonctions, les croyances qui limitent.
Je me lance et ce que je suis en train de faire en est la preuve, car parler de moi devant autant de personnes était juste pour moi inconcevable il y a encore quelque années. Je sors de ma zone de confort et j’en suis fière.
Désormais je suis coache et je milite pour que nous développions toutes, nous les femmes, plus de confiance en nous… je dis toutes car les hommes (pas tous) mais de façon plus majoritaire sont élevés au grain de l’estime de soi.
Les feed-back sont souvent plus valorisants et positifs pour les petits garçons. Observez-vous ! Observez autour de vous ! Certaines études l’ont même démontré ; l’exemple en classe des profs qui interrogent, inconsciemment, de façon plus fréquente les garçons que les filles.
Nous devons affirmer et être convaincues que nous avons TOUTES du talent et surtout que nous en avons autant que les hommes. Et pour cela il faut le dire à nos filles et à nos garçons, à nos collègues, à nos amis, à nos parents et il faut le montrer, oser s’afficher et le dire. Il faut aussi le crier partout où cela est possible. Et comme on m’a proposé de le faire, je suis là aujourd’hui car tant qu’il y aura des femmes qui vivront avec des regrets de ne pas avoir pu réaliser leurs rêves pour des raisons qui n‘en sont pas vraiment : « j’avais mes enfants à garder, mon mari gagnait plus que moi, mécanicienne j’aurai adoré mais ça n’est pas pour les filles, la boxe c’est TOP mais les gens me regardent bizzarement, j’adorerai créer mon entreprise mais je n’en suis pas capable c’est sûr ! la politique et l’engagement associatif c’est génial mais ce sont des réunions le soir je ne peux pas…
Il faut avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue pendant qu’on les poursuit !
Luttons contre nos croyances limitantes et engageons-nous ! vivons nos rêves et soyons libres !
Car tant qu’une grande majorité de femmes ne vivront pas leurs rêves, pour de mauvaises raisons, et ne croirons pas en leur valeur, il y aura la journée du 8 mars encore pour de longues années !
Témoignage réalisé à la demande des 2 Evelyne** d'Orvault dans le cadre d'un évènement éphèmère à Orvault (44) - Journée des droits des femmes - 8 mars 2019 (** ma belle soeur et ** l'organisatrice de ce déjeuner )